Ce matin, c’était les Foulées de Crossey à 8 km de la maison, et ça, c’est top ! Avec un format de 26 km et 1100 m D+, et des terrains assez joueurs et surtout très variés, c’est une course parfaite pour transiter de l’été vers l’automne : pas trop long pour pouvoir courir assez vite, travailler les changements de rythmes, la relance, mais pas trop court pour ne pas non plus être à la limite de la rupture et risquer de subir à mort. C’est la seconde fois que je m’aligne sur cette course après 2014, mais le format a évolué avec 8 km de plus ; à l’époque, j’avais très bien tourné et avais fini autour de la vingtième place.
Mais avant le départ, je me disais bien que ça ne risquait pas de se reproduire aujourd’hui : autour de moi, des barbares aux cuisses ultra dessinées, des types fins comme des roseaux et perchés sur des jambes aussi longues que des poteaux télégraphiques, et des petits jeunes qu’on croirait sortis d’une sélection olympique pour le 3000 mètres steeple. Ah et trois femmes aussi, sur un peloton de 120 unités. Pas bien lourd. C’est un indicateur sérieux, ça. Très sérieux. On n’est pas entre rigolos ici, on est entre connaisseurs, entre écumeurs de courses rugueuses.
Et de la rugosité, il va y en avoir. Parce qu’histoire de pimenter ce dimanche, à 8 h au départ, il pleut. D’ailleurs il pleut depuis hier midi. Autant dire que les terrains ne vont pas être très secs. Spoilers : ils vont êtres trempés, détrempés même. Un carnage.
Mais revenons au départ : décompte à la papa, et bim, ça part comme pour un cross. J’ai eu le nez creux : j’ai laissé pas mal de marge entre le premier rang et mon rang à moi. Fort heureusement, sinon j’aurais été piétiné comme l’envie d’améliorer la situation l’est à l’Élysée. Je tourne mes deux premiers kilomètres en 4’57’’, et pourtant ça double dans tous les sens. Fichtre ! Depuis que j’ai repris les courses il y a un an, j’ai vraiment l’impression d’avoir été téléporté dans un autre monde. À l’époque (jusqu’à il y a dix ans en gros), seul le Top 20 partait à 12 à l’heure sur une course de 30 bornes. Désormais, vous êtes un baltringue si vous partez à cette allure. Bon, il va falloir que ‘j’assume ma baltringuitude.
Allez km 2, première bosse, je marche fort dès que la pente se redresse. Autour de moi ça court. Sauf un ou deux qui sont déjà à la dérive, sans doute après un départ bien trop rythmé. Un peu de route, de sous-bois, rien de compliqué, on enchaîne avec une descente sur piste pas bien méchante, toujours sous une alternance de pluie plus ou moins forte et de pas de pluie. Il doit faire autour de 10°C, j’ai les mains glacées malgré mes mitaines de VTT.
Vers le km 6, sur une piste herbeuse entre deux champs, nous patinons dans la boue. J’avise que sur la droite, en très léger contrehaut, ça doit moins glisser (l’herbe est toujours plus verte de l’autre côté). Hop, petit saut pour changer de voie, et bim, le pied glisse, le reste du corps suit, bam ! Une féminine juste derrière (qui finira troisième si je compte bien) me demande si ça va – « no problemo, merci » – et en effet tout va bien, à part mon orgueil.
Allez, pas le temps de niaiser, nous arrivons au pied de la « Directe de monsieur je ne sais plus qui », tracée par ce monsieur dont j’ai oublié le nom pendant le confinement qui n’a pas servi qu’à prendre cinq kilos, apparemment. Et là, chers lecteurs, c’est la guerre, un mélange de Verdun et Koh Lanta. On a à peu près 300 mètres de dénivelé à se taper sur environ 1 km de distance. Donc déjà, ratio sympa, merci. Mais, mais mais mais : le monsieur dont j’ai oublié le nom n’a pas vraiment chercher à adoucir la pente, ici c’est du dré dans’le pentu, comme on dit un peu plus à l’est de chez nous. Et ce pentu, pluie oblige, il est « un poil » glissant. C’est un carnage. Mes pompes accrochent à peu près correctement sans que ce soit la folie, mais pour certain, c’est vraiment un calvaire. D’ailleurs, c’est la première fois sur un trail que je me prends un high kick : un type devant moi glisse en arrière, son pied part en l’air, bim, dans le nez. Bah, la pluie aura tôt fait de rincer les preuves. Bon, sans rire, j’y ai laissé des plumes dans cette montée. Si on compte le pied de la montée et la crête qui suit, j’y ai passé 27 mn pour 2 km. Ça vous donne une idée du chantier. Ah oui, évidemment, j’en ressors couvert de boue des pieds à la presque tête – aucun doute, je mérite mon surnom de sanglier.
Descente caillouteuse assez rapide qui s’ensuit, d’autant plus que nous subissons une attaque de frelons ! Un type derrière moi se fait piquer trois fois au bras ! J’échappe aux bestioles de mon côté, et je ne sais pas si d’autres ont été également piqués. C’est de plus en plus fréquent sur les courses on dirait, déjà l’année dernière en Bretagne avec Sandrine nous avions eu le coup. Hop, un petit pipi avant d’attaquer la montée suivante, en 4 ou 5 bosses successives. Rien de bien compliqué, mais j’accuse un peu le coup : le froid, la pluie, le réveil matinal, la montée déglingos, les frelons. Heureusement un petit ravito au km 12 me permet de remettre les pendules à l’heure, notamment avec un morceau de barre de céréales pratiquement immangeable (dixit un des volontaires). J’ai en effet eu tout le mal du monde à réussir à croquer dedans. Sans doute de la terre séchée et pressée récupérée dans la Directe du monsieur dont j’ai oublié le nom.
Allez, trêve de plaisanterie, on arrive sur nos terres via La montagne (oui ils ont une sacrée imagination pour nommer les lieux dans le coin) et une méga descente vers Saint-Aupre. Dans ma tête, c’était easy game cette descente, un bon moyen de gagner du temps avec des kilomètres en 4’20’’. Mon c.., si vous voyez ce que je veux dire. En fait, je l’ai toujours prise à la montée cette descente, et en effet, ça semble roulant. Mais à la descente, non. Que nenni. Caillasses partout, crevasses (aurait-il plu ?), bref, j’en bave. D’autant plus qu’avec la Directe du type du confinement, avec toutes les glissades et tous les dévers, mes chaussettes ont un peu tourné dans mes pompes, et je commence sérieusement à avoir mal aux pieds (l’humidité, ça vous cause ?), et à mes névromes (non pas mes névroses, faut suivre). Bref, ça pue. Descente pas bien rapide donc (enfin tout de même entre 4’15’’ et 5’55’ hein), on traverse la route (un merci à tous ces volontaires, il y avait pas mal de routes à sécuriser, sale job), et c’est reparti pour une montée que d’habitude je descends. Oui je fonctionne à l’envers aujourd’hui.
Petit dilemme (qui n’en était pas un, je me suis amusé de ce fait mais sans songer à le concrétiser) : je passe à 3 km de la maison alors qu’il reste encore 8 km à se taper, et si par inadvertance je me trompais de chemin et me retrouvais devant notre portail ? Hhhmmm ? Allez, transition globalement descendante vers Saint-Étienne-de-Crossey via les hauteurs de Saint-Aupre (les meilleurs sentiers de toute la course, normal, c’est près de chez nous), une bonne petite montée parce que quand même, c’est un trail, et c’est partiiiiiii pour la descente finale. La plusse pire, évidemment : du rocher, de la caillasse, de la racine, exactement tout ce qu’il faut pour se péter bien comme il faut la guenelle (ça se dit encore ça ?). Et donc, prudence étant mère de sûreté – et surtout la peur n’évitant pas le danger – j’y vais mollo, rythme de sénateur (suisse), et donc je me fais encore doubler par des missiles (russes ?). Arrivé en bas, je sais qu’il reste 2,5 km plats. J’aimerais bien que ce soit 250 mètres, mais non, un monsieur qui ne rigolait pas me l’a confirmé : arrivée à 2 km, c’est une ligne droite. Cool.
Allez, c’est là qu’il faut faire la différence. Attention hein, pas la différence avec les autres coureurs : elle est faite depuis longtemps, et pas en ma faveur. Non, la différence entre une course fichue (allez c’est bon, lâche l’affaire, marche un peu, une place de perdue c’est pas bien grave, de toute façon hein) ou rattrapée (lâche pas l’affaire mec, t’es quoi, une chiffe molle ou un trailer ?). Et donc poignée en coin (ah ah, à 5’50’’ du kilomètre l’image prête à sourire) jusqu’à l’arrivée, plein de « bravos » qui font plaisir, les dents serrées, quelques high five avec la foultitude de gamins sur le bord du stade, et une ligne d’arrivée sans sourire parce que quand même, ça picote un peu de partout.
Et voilà, c’est beaucoup trop long pour seulement 26 km (pardon, 26,59 km, ils valent cher les derniers 590 mètres), mais il y a des choses à dire. Notamment ça : faut vraiment s’entraîner dur aujourd’hui, un peu plus en tous cas qu’il y a 10-15-20 ans, pour espérer bien figurer sur des courses locales où de plus en plus de monde performe. C’est impressionnant la densité en tête : je finis donc en 3h17 à la 84e position (8e dans ma catégorie M3) sur 127 classés (4h50 pour le dernier). C’est l’un de mes pires classements de l’histoire, et pourtant je me sentais en forme. Le gagnant boucle le chantier en 2h05 (12,5 km/h, ouch), et la première en 2h35, les deux autres femmes la suivant en 2h41 et 2h44. Là non plus, chez les femmes, ça ne plaisante pas vraiment. [Edit : 16 femmes classées sur 128 personnes, ça ne fait pas une grosse présence féminine.]
Prochaine échéance : le Val’Oween Trail dans un mois. Déjà couru l’année dernière, objectif quelques minutes de moins… Y a plus qu’à s’entraîner, et à croiser les doigts pour la météo.
Le site de la course : https://www.fouleedecrossey.fr/
Les résultats : https://foulees-de-crossey-2025.onsinscrit.com/resultats.php?distance=0&type=scratch